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L’UE doit se doter d’outils anti-dumping plus efficaces

Les instruments européens de défense commerciale suffiront-ils si la Chine obtient le statut d’économie de marché? Crise de l’acier, attribution du statut d’économie de marché à la Chine et dumping: le Conseil européen doit cesser son double jeu en offrant à l’Europe de véritables instruments de défense commerciale.

Ce vendredi, les ministres européens des Affaires étrangères se réuniront en Conseil afin de débattre de plusieurs questions commerciales cruciales, du TTIP (NDLR: Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement) au Ceta (NDLR: Accord économique et commercial global – entre l’Union européenne et le Canada) en passant pas les minerais issus de zones de conflit et les difficultés rencontrées par le secteur sidérurgique.

La révision des instruments de défense commerciale de l’Union européenne devrait aussi être à l’ordre du jour. Repousser une nouvelle fois un débat sur ce dossier, que les États membres bloquent depuis deux ans au sein du Conseil, serait une grave erreur à l’heure où la question de l’attribution du statut d’économie de marché à la Chine fait craindre le pire pour nos industries européennes.

La Chine pointée du doigt

Le secteur de l’acier focalise à lui seul toutes les inquiétudes. Après les épisodes d’Arcelor Mittal, c’était au tour du géant indien Tata Steel d’annoncer fin mars la vente de ses usines en Grande-Bretagne. En cause: une surproduction mondiale estimée à environ 600 millions de tonnes d’acier par l’OCDE, et pour laquelle la Chine est unanimement pointée du doigt.

La République populaire, qui a investi massivement dans ses usines sidérurgiques, produit, à elle seule, la moitié de l’acier mondial tandis que la consommation n’a de son côté jamais retrouvé son niveau d’avant la crise de 2008. Rien que pour l’année 2015, la surproduction chinoise d’acier s’élevait à environ 300 millions de tonnes, quasi le double de la production totale européenne, qui atteignait 170 millions de tonnes! Résultat, la Chine revend ses surplus sur le marché mondial à des tarifs défiant toute concurrence, et les prix de l’acier ont été divisés par cinq en seulement cinq ans.

Face à de telles pratiques, l’Union européenne n’est pas sans défense. Les outils anti-dumping dont elle dispose lui permettent effectivement de réagir, en assurant des taxes à l’importation par exemple. Il est intéressant de noter qu’à l’heure actuelle, plus de la moitié des mesures de ce type sont prises sur des produits en provenance du marché chinois…

Mais ces instruments européens de défense commerciale suffiront-ils si la Chine obtient le statut d’économie de marché, qu’elle revendique en vertu de certaines dispositions du protocole d’adhésion à l’OMC arrivant à expiration en décembre 2016? Je ne le pense pas.

Les instruments européens de défense commerciale suffiront-ils si la Chine obtient le statut d’économie de marché?

Alors qu’au sein des institutions européennes, tous s’accordent pour reconnaître que la Chine n’est pas une économie de marché puisqu’elle ne respecte pas les cinq critères européens en la matière, la Commission étudie encore la manière de répondre aux revendications chinoises. Les Etats-Unis et l’Inde ont déjà déclaré qu’ils n’accorderaient pas ce statut à la Chine. L’Europe, Commission européenne en tête, préfère jouer avec le feu.

L’octroi de ce statut aurait pourtant des répercussions directes sur le calcul des marges de dumping. Plusieurs juristes considèrent d’ailleurs que les droits imposés, en cas de dumping, diminueraient de près de 30%.

C’est pourquoi, indépendamment de la décision qui sera prise à l’égard de la Chine, l’UE doit se doter d’outils anti-dumping plus efficaces et plus performants. Une première tentative de révision de ces instruments avait été lancée en avril 2013 par la Commission, soutenue par le Parlement européen dans sa résolution du 16 avril 2014.

Incohérence des États membres

Depuis, le dossier prend la poussière au Conseil. La moitié des États membres (représentant 72% de la population européenne) soutient un renforcement des instruments de défense commerciale. Les quatorze autres, dont le Royaume-Uni et la Belgique, bloquent toute réforme en empêchant le Conseil d’atteindre la majorité qualifiée des 16 États pour l’adoption du projet.

Il faut ici souligner l’incohérence des États membres, Belgique comprise, qui prétendent d’un côté vouloir sauver l’industrie européenne de l’acier mais qui, en même temps, prônent une politique commerciale agressive et bloquent toute possibilité de donner à l’Europe les outils pour se protéger.

Les projecteurs sont aujourd’hui tous tournés vers la sidérurgie. Mais d’autres secteurs particulièrement vulnérables en Belgique, comme le verre, le papier ou la céramique, risquent également d’être détruits si le statut d’économie de marché est attribué à la Chine et si l’Europe est incapable de se protéger contre les importations de produits « dumpés ».

Il est temps que les États membres prennent leurs responsabilités et cessent ce double jeu. La Belgique montrera-t-elle l’exemple?

 

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