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Les droits de l’homme, une promesse non maintenue ?

Ces 100 dernières années et surtout la période après la seconde guerre mondiale, ont été marquées par des avancées remarquables en matière de droits de l’homme. Les États ne pouvaient plus justifier et se retrancher derrière les horreurs perpétrées au nom de la souveraineté nationale du vingtième siècle et il apparaît clair qu’une rupture de cette période sombre était nécessaire pour aller de l’avant et pour construire un monde plus pacifique.

En effet l’adoption le 10 décembre 1948 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, marquait l’acceptation des états membres des nations unies que les droits humains étaient une partie intégrale du nouvel ordre mondiale libre et démocratique.  La fin formelle de l’esclavage, les luttes sociales pour les droits des travailleurs et travailleuses pour une répartition plus équitable des richesses, et pour l’accès à la protection sociale, l’avancement en matière de droits des femmes et des enfants, les avancées en matière de droits civils et politiques qui ont permis une plus large participation des citoyens à la vie politique à travers l’institution du droit de vote pour tous et toutes ont renforcé l’idée que les droits de l’homme sont basés sur le principe d’universalité et la supposition que tous les êtres humains doivent pouvoir jouir des droits humains sans aucune distinction.

Ce principe d’universalité a été accompagné par la mise en place d’institutions internationales responsables pour la défense des droits de l’homme et pour le monitoring de la redevabilité des états membres pour les violations commises : le Conseil des Droits de l’Homme, les investigations des groupes d’experts, la création de la Cour Pénale Internationale (CPI) et le travail incessant des organisations de la société civile avec leurs analyses, investigations et plaidoyer.

L’optimisme occidental et des pays colonisés lors de l’obtention de leur indépendance dans les années 1960, a vite laissé la place à la prise de conscience que les avancements en termes de droits humains étaient l’apanage et le privilège des pays industrialisés occidentaux, alors que les ex-colonies tombaient dans une nouvelle ère de conflits, de guerres, de violences et d’instabilité.

Force est donc de se poser la question si, avec le recul, tous ces promesses et avancements n’étaient pas un leurre ? Une promesse au service du modèle capitaliste ? Une promesse qui ne pouvait être tenue ? Un rêve de croissance infinie dans un environnement limité pourrait être qualifie de mensonge universel…L’euphorie qui a caractérisé la pensée libérale à la fin de la guerre froide s’est éteinte. Les conflits et l’insécurité qui ont caractérisé le début du vingt-unième siècle, suggèrent que l’internationalisme libérale n’a pas amené à une réelle universalisation des droits, de la sécurité et de la stabilité. Au contraire, en termes purement factuels, il y a eu et ils continuent à y avoir plus de violations de droits humains maintenant que dans d’autres périodes de l’histoire passée, alors que la fin du vingtième siècle et le début du siècle actuel ont été caractérisés par une centralité des droits de l’homme dans les relations internationales entre états et entre individus.

Le libéralisme dans lequel nous avons tous cru était là pour aider ce modèle en prônant la liberté comme vecteur de développement et d’épanouissement personnel mais en fait il s’agissait plus de veiller au développement économique censé apporter la garantie du « bonheur » pour tous.

Les droits de l’hommes n’étaient-ils qu’un faire-valoir au service d’un dessein purement économique ? On peut aujourd’hui douter de la sincérité de l’objectif final ! Les inégalités qui se sont produites dans la société pendant cette période ont creusé le sentiment d’exclusion qui a quelque part éloigné les citoyens des périphéries des institutions internationales et intergouvernementales les laissant sous le contrôle des pays fondateurs, des pouvoirs occidentaux qui n’essayent que d’étendre et renforcer leur contrôle sur les institutions existantes, en même temps que leur accès aux ressources précieuses comme les matières primes dont ils ne disposent pas. Le langage de l’internationalisme libérale commence alors à justifier violations de droits humains et guerres au nom de la « liberté » ce qui a permis par exemple aux États Unis de parler de guerre contre le terrorisme comme une « guerre pour la liberté ».

En effet dans les pays industrialisés la promesse d’une croissance infinie, d’un progrès sans limite est de plus en plus mis en doute. Nous sommes la société qui a les moyens matériels de garantir à chacun une vie digne d’être vécue, mais malgré cela, nos ressources sont réparties de manière si inéquitable qu’elles créent d’énormes inégalités sociales. L’attention sur et la conscientisation grandissante sur la question écologique nous amènent à développer une vision à long terme et à réfléchir à la limite de nos ressources ainsi qu’à l’impact de ce modèle productiviste sur la vie sur terre. À plus court terme, la croissance limitée a moins de 2% ces dernières décennies, nous met devant la réalisation du fait que nous ne sommes plus en mesure de garantir aux populations l’espoir d’un futur meilleur en termes de bienêtre « matériel » pour les générations à venir ce qui crée des inégalités flagrantes entre les bénéficiaires du « progrès » et les laisser pour compte. Ces inégalités produisent des tensions de plus en plus présentes et évidentes dans nos sociétés avec le résultat que nos démocraties sont de plus en plus en danger. Ainsi la colère des gilets jaunes, la montée des idées et des partis politiques extrémistes, le rejet de l’Autre car responsable de tous les maux ne sont que des éléments qui confirment la montée de nouveaux régimes à démocratie limitée et rétrécie.

Le capitalisme soutenu par le néo libéralisme promettait la croissance continue et sans fin  et la gauche syndicale et politique qui n’a jamais remis en question la promesse n’est plus en mesure d’assurer un modèle de répartition des richesses produites. La globalisation libérale au profit du capital a ainsi fait son œuvre de destruction des solidarités. 

Dans ce contexte où il n’est plus possible de mener des luttes sociales, les combats politiques de la gauche occidentale se sont donc déplacés vers les luttes des droits civils encore inachevés et légitimes comme le droit des femmes à disposer de leur corps, le droit des LGBTQI, le droit des migrants… En même temps, la droite politique conservatrice confrontée à la même difficulté de la promesse non tenue d’un monde meilleur s’est elle aussi rabattue sur les questions de droits individuels basés sur la morale, la religion, l’identité, … qui est une autre manière de répondre aux mêmes peurs des citoyens face à un futur incertain. Paradoxalement la globalisation des idées a permis aussi la création et renforcement de mouvements nationalistes et populistes globaux grâce à une facilitation de la communication entre partis politiques et factions idéologiques de droite similaires.

Les pays émergents eux poursuivent encore une croissance forte et sont encore en mesure de promettre plus de droits économiques à leur population. Ces pays sont souvent des régimes « communistes » autoritaires ou populistes autoritaires qui ne remettent absolument pas en cause le modèle capitaliste et savent qu’il serait dangereux de rentrer dans la marche des droits humains qui mettrait en lumière, là aussi, la limite de leur modèle et de leurs promesses.

On assiste donc à l’émergence de modèles politiques au départ très différents l’un de l’autre mais qui finalement se rejoignent car tous, sans exception, n’ont pas remis en question le capitalisme.

Nous arrivons donc à un moment critique ou l’universalité des Droits de l’homme entre en contradiction avec le modèle capitaliste.

Dans les démocraties d’occident où les préoccupations économiques, les inégalités, l’émergence climatique sont de nature à freiner l’adhésion des populations au modèle capitaliste car le mensonge ne fonctionne plus. Les populations commencent par contester les institutions au service de ce modèle, les politiques qui ont promis et qui n’ont pas pu réaliser leur promesse.  Face à ces contestations les institutions au service du modèle capitaliste se crispent et se referment en réduisant les espaces de contestation qui permettent l’expression « libre » comme les syndicats, les médias, la société civile. Ceci conduit à des limitations claires des droits humains.

D’une façon similaire, dans les régimes autoritaires on voit la crainte de la remise en question de leur modèle par les activistes et les mouvements citoyens. Les conséquences sont souvent un durcissement des régimes et une augmentation des violations des droits humains, une fermeture de l’espace démocratique et une oppression des activistes et défenseurs des droits humains qui risquent de plus en plus leur liberté et leurs vies.

Quand le Rêve, la promesse ne peut être tenue par le politique, le religieux reprend ses droits et retrouve son rôle, soit par l’expression du politico religieux (régimes théocratique) lui aussi au service du capital, soit par le repli communautaire et identitaire. Si l’universalité ne peut être atteinte alors la valeur refuge est le particularisme.

L’universalité des droits humains est en crise non pas parce que les droits de l’homme sont relatifs à leur culture, religions, nations…mais parce que la promesse n’a pas été tenue, ou aussi et surtout parce que cette promesse n’a pas été sincère, étant donné qu’elle était et est au service d’un modèle dépassé qui détruit le bien commun de l’humanité.

L’universalité abstraite face aux forces concrètes détractrices d’un modèle prédateur, violent qui met les peuples en tension non pas pour la défense des valeurs universelles des droits humains mais pour assoir un pouvoir conservateur qui ne remettrait pas le modèle en question mais qui le perpétue au profit de certains et au détriment des masses.

« Là où existe la lutte du tous contre tous, la richesse permet au loups d’être plus efficaces dans sa cruauté » nous y sommes !

Nous devons créer un nouveau modèle basé sur des solidarités concrètes communes devant un monde dont les limites doivent borner l’ambition de l’homme.

Nous devons réenchanter avec des promesses sincères non pas au service d’un modèle destructeur mais au service de l’humanité en coopération avec le reste de la vie dans ce monde.

« Le chemin qui mène à la fontaine rafraichit autant que l’eau qu’on y boit » Le chemin sera long En espérant que nous parvenions à la fontaine un jour.