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Carte blanche : Avec le mouvement MeToo, les femmes sont des citoyennes et non plus des proies !

Voici un an, #metoo déclenchait une libération mondiale de la parole des femmes par rapport aux violences sexuelles qu’elles vivent. Que faut-il mettre en place au niveau européen pour bétonner ce mouvement ?  Une opinion de Maria Arena, Iratxe Garcia Péreze, Edouard Martin, Maria Noichl, Christine Revault d’Allonnes Bonnefoy et Vilija Blinkeviciuté. Respectivement eurodéputée belge, eurodéputée espagnole, eurodéputé français, eurodéputée allemande, eurodéputée française et eurodéputée lituanienne du groupe S&D (Socialistes & Démocrates).

Il y a un an, le 15 octobre 2017, l’actrice américaine Alyssa Milano popularise sur les réseaux sociaux le hastag #metoo (« moi aussi ») entraînant par là une libération mondiale de la parole des femmes par rapport aux violences sexuelles qu’elles vivent. À travers ce slogan, tout type de violence est dénoncé : les insultes à connotation sexuelle, le harcèlement sexuel de rue, les agressions sexuelles, les viols. Les femmes n’en peuvent plus d’être objectivées sexuellement, d’être assaillies, brutalisées, agressées, meurtries, marquées au fer rouge et elles le crient haut et fort.

Aujourd’hui, alors que cette déferlante fête son année d’existence, des questions se posent. En tant que membres de la commission parlementaire sur l’égalité des genres et les droits de la femme et de la commission des libertés civiles et de la justice, la résolution au sein de l’UE de la banalisation des violences sexuelles faites aux femmes nous est chère. Qu’en est-il après un an de mouvement #metoo de la réalité des violences sexuelles en Europe ? Que retenir de ce mouvement mondial ? Que reste-t-il à mettre en place au niveau européen pour éradiquer les violences sexuelles imposées aux femmes ?

Les enseignements

Il suffisait que l’on propose un espace de témoignage aux femmes et elles l’ont saisi. Femmes, nous avons répondu « moi aussi », nombreuses, sur différents niveaux d’agressions qui montraient la généralité de ce phénomène de violences masculines, et surtout le fait qu’il ne s’agissait pas d’un one shot mais d’un continuum que nous avions généralement toutes subi.

Néanmoins, l’accueil des plaintes s’est vu décevant. Beaucoup d’intellectuel.le.s se sont replié.e.s derrière l’argument que « les femmes ne sont pas intrinsèquement des victimes » et que « tous les hommes ne sont pas comme ça ». Il n’est pas sûr que les femmes victimes aient, dès lors, eu l’ensemble de l’opinion avec elles : loin de là.

Il est à retenir du mouvement #metoo que la dénonciation des violences sexuelles masculines est pour la première fois sortie d’un cercle étroit et non médiatisé de quelques groupes féministes et est passée avec fracas dans les médias traditionnels. Il y a enfin un début de prise de conscience du caractère quasi universel de ces violences. Grandes ou petites, toutes les femmes en sont victimes.

Cette prise de conscience semble un peu progresser chez les hommes – qui habituellement n’ont pas la moindre idée de leur omniprésence et de leur gravité – mais pour le moment cette prise de conscience ne semble pas avoir vraiment de conséquences concrètes…

La réalité aujourd’hui en Europe

Au contraire, il y a de très fortes résistances au mouvement #metoo et des stratégies se mettent en place contre lui. Et, chose intéressante, cette contre-offensive a souvent été menée par des femmes (le manifeste pour la liberté d’importuner, les réflexions de Bastié sur la non-gravité d’une main aux fesses, etc.). Il faut le constater, un des obstacles aux avancées des droits des femmes actuellement, ce sont les femmes alliées de la domination masculine qui persiste dans notre société. D’où l’importance pour le féminisme de viser l’ensemble des femmes.

Il est bon de le rappeler, les agresseurs sont souvent connus de la victime. En Europe, selon Amnesty international, parmi les femmes qui ont, ou ont eu un/une partenaire, 22 % ont subi des violences de nature physique ou sexuelle de la part de ce partenaire depuis l’âge de 15 ans.

Par ailleurs, selon les études disponibles, l’exploitation sexuelle demeure la finalité la plus répandue de la traite des êtres humains en Europe (67 % des victimes enregistrées), suivie de l’exploitation par le travail (21 % des victimes enregistrées). Sur les violences sexuelles en Europe, un autre chiffre important : on estime que 500 000 femmes et jeunes filles dans l’Union seraient exposées au risque de mutilation génitale féminine (MGF).

Rien qu’en Europe, l’éradication de la violence à l’égard des femmes permettrait une économie d’environ 226 milliards d’euros par an à l’Union. D’où l’importance de poser la question de l’empowerment des femmes à travers la question économique et en luttant, entre autres, contre les politiques actuelles d’austérité qui leur sont particulièrement défavorables.

La convention d’Istanbul

Qu’en est-il des textes que l’UE a été invitée à ratifier ? Il y a la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite convention d’Istanbul, qui par ailleurs reprend parmi les violences faites aux femmes la violence domestique, le mariage forcé, l’exploitation sexuelle des femmes…

Les valeurs ajoutées de la Convention sont les suivantes :

1. Les gouvernements sont obligés de modifier leurs lois pour qu’elles adoptent une tolérance zéro pour la violence contre les femmes.

2. La prévention et la lutte contre la violence deviennent juridiquement contraignantes.

3. Pour la première fois dans l’histoire, la violence à l’égard des femmes n’est pas considérée comme une affaire privée, mais les États sont tenus d’empêcher la violence, de protéger les victimes et de punir les auteurs.

4. Oblige à criminaliser les violences faites aux femmes au niveau pénal. 

Trois ans après son ouverture aux signatures, la Convention d’Istanbul est entrée en vigueur le 1er août 2014. Après presque trois ans d’entrée en vigueur, tous les États membres de l’UE ont signé la convention, mais seulement 20 ont ratifié ce nouveau traité, ce qui compromet sa bonne application au sein de l’UE. Il est à noter que l’UE est en train d’adhérer à la convention d’Istanbul (elle a signé en 2017 mais la ratification est en attente) mais ça bloque au niveau idéologique de la part de certains États membres comme la Pologne ou la Hongrie.

Outre son action législative, l’Union a mis en place un programme qui réunit les différents acteurs de la société civile (ONG) qui vise à combattre la violence vis-à-vis des femmes, des enfants et des adolescents. Créé en 1997, le programme Daphné s’est imposé comme le seul programme européen visant à combattre les violences vis-à-vis des femmes, des enfants et des adolescents. Plusieurs projets ont déjà abouti. Les projets ont porté sur divers domaines tels que les violences sexuelles, psychologiques et physiques dans divers cadres (institutions, écoles, famille).

Ce qu’il reste à faire au niveau européen

Convaincre les États européens de ratifier et de respecter les articles contraignants de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite convention d’Istanbul, à suivre les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 2013, 2014, 2016) et les Conventions internationales qui visent à éradiquer toute forme de violence sexuelle faite aux femmes dans nos sociétés. Pour que demain, les femmes ne soient plus des proies dans un contexte de parfaite impunité.

 

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