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Modernisation de la directive des droits d’auteurs : le vrai du faux

Après de longues négociations, l’Europe est parvenue ce mercredi 13 février à un accord sur la révision de la directive droits d’auteurs, un texte vieux de plus de 20 ans et devenu obsolète depuis l’avènement de l’ère numérique et l’apparition des géants du net tels que Google, Facebook et consorts. Depuis plus de deux ans, les politiques et la société civile s’opposent sur ce texte formant deux clans, d’un côté les défenseurs d’un internet libre et d’un autre côté les partisans d’une protection des éditeurs/créateurs et de leur juste rémunération. L’Europe a été capable de concilier les points de vue et portera à l’avenir l’idée d’un internet libre et équilibré afin de promouvoir et favoriser la diversité et la production d’œuvres sur la toile.

Mieux rémunérer les auteurs de contenus

Le projet de directive comporte deux dispositions clés :  

>> L’une portant sur la création d’un droit voisin contraignant les géants du net à négocier la tarification de la diffusion du contenu créé par les éditeurs de presse sur leur plateforme (Article 11)

>> La responsabilisation des géants du net en les contraignant à retirer de leur plateforme tout contenu pour lesquels ils ne disposent pas des droits via des accords de licence préalablement négociés auprès de leurs auteurs ou ayants-droits (Article 13)

Qui est visé par le droit d’auteur ?

Le droit d’auteur concerne tout créateur d’œuvre originale et ses ayants-droits.

Sont ainsi concernées, tant les créations musicales que les œuvres cinématographiques, tout en passant par les éditeurs de presse, photographes, logiciels, etc.

Le droit d’auteur protège également les ayants-droits, soit les héritiers et les personnes ou entités s’étant porté acquéreurs des droits des créateurs comme par exemple les maisons d’édition etc.

L’idée est de rendre leurs prérogatives aux propriétaires de droits quant à la diffusion ou non de leur production, ou sa reproduction et d’obtenir en contrepartie une rémunération adéquate.

Pourquoi l’Europe veut-elle s’encombrer d’une révision des règles applicables sur le droit d’auteur ?

Les droits d’auteur, c’est une affaire qui remonte à près de 20 ans ; à une époque où les géants du net étaient à leurs premiers coups d’éclats, où le numérique en était à ses premiers essais. Des années plus tard et avec l’émergence des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), de nouveaux défis sont apparus.

Les plateformes sont noyées de productions et œuvres en tous genres ; mais comment garantir que les droits de leurs auteurs soient préservés ? Quelles sont les limites à accorder aux droits d’auteur, à leur diffusion ou à leur reproduction ? Qui doit assurer la rémunération de cette réappropriation de l’œuvre d’autrui et à partir de quand met-on en péril la protection d’une œuvre, de son auteur et de ses ayants-droits ? Il s’agit d’autant de questions qui ont été portées devant la cour de justice de l’Union européenne au cours de ces dernières années, créant ainsi une certaine opacité quant aux règles applicables.

La Commission européenne a compris la nécessité de rétablir de la transparence et de la sécurité juridique dans cet arsenal juridique un peu poussiéreux, dépassé par l’ère du numérique. Le but de la Commission était ainsi de réconcilier artistes et plateformes numériques afin de promouvoir et favoriser la diversité et la production d’œuvres sur la toile tout en garantissant une juste rémunération de leurs auteurs et ayants-droits.

Quels sont les points de dissension sur ce texte ?

Trois propositions de la Commission sont particulièrement controversées.

1. L’utilisation des contenus par les plateformes internet (article 13)

Ce point touche à la responsabilisation des plateformes qui hébergent sur leur serveur des œuvres protégées par le droit d’auteur, mais pour lesquelles elles se dégagent de tout obligation quant au contenu posté, et ne rétribuent pas les ayants-droits, malgré les recettes publicitaires dégagées via leur diffusion.

Afin de concilier toutes les parties concernées, la commission entend obliger les plateformes à négocier des accords de licence avec les détenteurs des droits sur les œuvres publiées, mais également de s’assurer que les contenus protégés par le droit d’auteur ne fassent l’objet d’aucune diffusion illicite sur leur plateforme. Pour y parvenir, et compte tenu de la quantité de contenu publiée par minute, le filtrage de données ne saurait être qu’automatisé.

Face aux contraintes, la plateforme YouTube s’est montrée peu collaboratrice et a menacé d’interdire purement et simplement l’utilisation de toute œuvre protégée sur sa plateforme. Elle a également fait monter au créneau des youtubeurs influents qui ont crié au scandale et au risque de censure de l’internet par Bruxelles !

Il est nécessaire de relativiser l’apocalypse annoncée ! Non, l’Europe ne mène pas une guerre contre l’internet. En réalité, c’est l’attitude de YouTube qui est on ne peut plus individualiste, dès lors qu’elle serait la grande perdante de cette réforme. D’une part, parce qu’elle verra ses revenus réduits, car contrainte d’assurer le paiement des titulaires de droits sur les œuvres diffusées sur la plateforme (là où seule la monétisation destinée au Youtubeur peut actuellement être récupérée), et d’autre part parce qu’elle perdrait son statut de simple hébergeur pour devenir juridiquement responsable des contenus qu’elle héberge.

Par ailleurs, une simple lecture de l’article 13 suffit à démonter l’argumentaire de YouTube. En effet, il n’est pas question de bloquer la publication d’œuvre, mais au contraire d’assurer la juste rémunération de leurs auteurs et ayants-droits. En ce qui concerne les œuvres avec lesquelles l’opérateur n’a pas d’accord de licence, soit il devra en établir une, soit il devra filtrer sa diffusion, ce que YouTube fait déjà. Actuellement, ce cryptage est réalisé selon les normes américaines, là où nous demandons à ce que le filtrage intervienne selon les règles européennes, lorsqu’il s’agit de produits disponibles sur le territoire européen. Il est uniquement question ici de faire respecter l’Europe, ses citoyens et ses artistes.

D’autres voix s’élèvent également contre les règles qui imposent le filtrage des œuvres diffusées illégalement. Elles reposent sur l’idée que seuls les grandes entreprises seront capables de financer un tel programme d’automatisation.

Pour faire face à cet argumentaire, l’accord européen crée un régime d’exception au filtrage de produits pour les PME, soit toute entreprise de moins de 3 trois ans comptabilisant moins de cinq millions de visites par an, et ayant un chiffre d’affaires annuel inférieur à 10 millions d’euros.

Enfin, et pour garantir la sécurité des consommateurs et des travailleurs du net, un recours sera rendu possible pour tout diffuseur d’œuvre estimant que son téléchargement a été injustement supprimé de la plateforme.

2. L’utilisation des articles de presse par les plateformes internet (article 11)

Via la création d’un droit voisin, la Commission entend réaffirmer le principe selon lequel les éditeurs de presse sont bels et bien les détenteurs des droits sur les articles qu’ils publient ce qui leur permettra de négocier plus facilement des accords payants avec les plateformes de référencement tels que Yahoo, Google ou Facebook.

Encore une fois, l’objectif de l’Europe n’est pas de complexifier l’accès à l’information. Les éditeurs de presse auront d’ailleurs la liberté de réclamer leur dû ou pas en cas de diffusion de leur œuvre sur une plateforme quelconque. L’Europe ne touche ainsi pas à la liberté d’entreprendre, mais au contraire rétablit l’équilibre entre les géants du net et les éditeurs de presse en permettant à ces derniers de se faire rémunérer pour la diffusion de leurs articles sur le net.

Par ailleurs, ne sont pas concernés par l’accord européen et resteront donc libre de tous droits, les encyclopédies en ligne du type Wikipédia, le partage d’hyperliens, la publication de snippets, de mèmes et de GIF. On va même plus loin puisque seront exclus du champ d’application de la directive le libre téléchargement et partage d’œuvres à des fins de « citation, de critique, d’avis, de caricature, de parodie et de pastiche ».

Quand on se penche sur le texte, on se pose encore la question de savoir où se trouve la censure tant vantée par les opposants à l’initiative de la Commission !

3. La fouille de données (TDM) à des fins de recherches par les organismes publics

Afin de préserver et promouvoir la recherche scientifique, l’accord dégagé par l’Europe exclura du champ d’application de la directive toute recherche (TDM) menée par les organismes publics dans un but de recherche scientifique. Si certains voulaient étendre cet accès au secteur privé, les négociateurs européens ont préféré privilégier l’intérêt des consommateurs à l’intérêt économiques des grandes multinationales.

L’accord dégagé ce 13 février par les négociateurs européens a été entériné par les différentes instances depuis lors !