fbpx
Marie Arena© EU-EP/photographer

L’accord de partenariat économique avec l’Afrique australe, vestige d’une relation dominant/dominé d’un autre temps

L’accord de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et les États membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe (CDAA ou SADC, qui comprend le Botswana, le Lesotho, le Mozambique, la Namibie, le Swaziland et l’Afrique du Sud) a été voté ce jeudi matin en Commission Commerce international (INTA) du Parlement européen.

« J’ai pour ma part voté contre cet accord déséquilibré par un rapport de force à l’avantage, encore et toujours, des Européens qui persistent et s’entêtent dans une relation de dominant/dominé avec l’Afrique », insiste la députée européenne Marie Arena.

Il aura fallu à la Commission européenne dix années de négociations, de pressions politiques et de menaces, pour obtenir la signature des États africains à des accords de partenariat économique qui n’ont plus de partenariat que le nom.

Les demandes de la société civile et de parlements africains pour une protection efficace et réelle de leurs économies et leur développement, ont été balayées par la Commission européenne, guidée par sa volonté d’imposer un modèle libéral qui lui garantira un accès aux ressources naturelles des pays africains et une ouverture large de leurs marchés pour les produits provenant du continent européen.

« Je ne peux en aucun cas soutenir de tels accords, qui ne font pas la promotion du développement durable et des droits humains. La relation avec l’Afrique doit se baser sur des accords Gagnant-Gagnant, qui protègent et soutiennent en priorité le développement des États partenaires », explique Marie Arena.

L’APE signé avec l’Afrique australe met en sourdine les impacts lourds sur les populations africaines de la politique commerciale ultralibérale portée par la Commissaire Cecilia Malmström. Il ouvre la voie à une série d’APE qui arriveront sur la table du Parlement européen dans les prochains mois, dont celui avec la Communauté d’Afrique de l’Est (Burundi, Tanzanie, Rwanda, Kenya et Ouganda).

Mon vote en Commission INTA, que je réitérerai lors de la Plénière de septembre, est fondé sur dix arguments essentiels à mes yeux :

1. Le principe de réciprocité introduit dans les APE impose une exigence de libéralisation équivalente pour toutes les parties signataires, en ne tenant donc pas compte du niveau de développement des pays africains. Les pays les moins avancés – le Lesotho et le Mozambique – se verront donc obligés d’ouvrir une large partie de leur marché, sans la moindre préparation aux conséquences qu’une telle libéralisation aura indéniablement sur leur marge de développement.

2. L’APE CDAA donne aux partenaires de l’accord la possibilité de protéger des secteurs sensibles de la concurrence européenne. Mais les listes de produits sensibles sont différentes pour chaque pays partenaires ! Les produits déclarés sensibles par l’Afrique du Sud, ne sont ainsi pas les mêmes que ceux déclarés par la Namibie, le Lesotho, le Swaziland ou le Botswana. Or, ces 5 États partagent une Union douanière et un marché commun qui permettent aux produits de circuler librement, anéantissant de facto la protection prévue dans l’APE…

C’est comme si, dans l’Union douanière européenne, chaque État membre dressait sa liste de produits sensibles. Mais les produits considérés comme sensibles par la Belgique pourraient rentrer sur le marché belge via l’Allemagne par exemple. C’est totalement incohérent !

3. Contrairement à certaines idées reçues, l’APE n’encouragera pas les exportations africaines car les règles d’origine applicables resteront très strictes et rien n’est pour l’instant prévu pour les aider à les respecter.

4. S’il est vrai que l’APE CDAA présente des clauses de sauvegarde, celles-ci seront difficiles à activer et ne pourront l’être que pour une période de temps limitée, à savoir durant les 12 premières années de la mise en œuvre de l’accord. Ces clauses de sauvegarde leur permettent d’augmenter les droits de douane lorsque les importations en provenance de l’UE augmentent dans de telles proportions ou à une vitesse telle qu’elles menacent de perturber la production locale.

5. Le chapitre développement durable de l’APE, qui se borne à reprendre les grands principes (respect des droits de l’homme, d’état de droit et de démocratie), ne prévoit pas d’implication de la société civile ni de suivi de mise en oeuvre.

6. L’APE comprend une clause de rendez-vous, qui prévoit l’ouverture, à la demande de l’Europe, de négociations dans cinq ans sur la libéralisation des secteurs des services et des investissements, ce qui anéantira tous les efforts africains en matière de développement de services.

7. Rien dans l’APE ne soutient la diversification des économies africaines. En libéralisant les marchés sans aucune mesure de soutien à la libéralisation en matière d’aide au développement, l’APE maintiendra les pays africains dans leur rôle d’exportateurs de matières premières.

8. Les syndicats et la société civile, tant en Afrique qu’en Europe, se sont opposés aux accords de partenariat économique.

9. La clause des droits humains se réfère uniquement à l’accord de Cotonou qui expire en 2020. Que fera-t-on après cette date ? La Commission européenne ne nous a jamais apporté la moindre réponse…

10. L’APE ne prévoit aucun processus de monitoring.

« Pour toutes ces raisons, je ne pouvais que voter contre l’APE CDAA. J’espère que d’autres parlementaires partageront en plénière ma vision d’une relation UE-Afrique fondée sur un véritable partenariat entre États soucieux de défendre une vraie politique de développement. »

Autres articles sur le sujet :