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Quand la politique s’attaque à l’Histoire

Le 19 septembre dernier, le Parlement européen votait en faveur d’une résolution sur l’importance de la mémoire européenne pour l’avenir de l’Europe.

Cette résolution a été largement adoptée (355 voix pour, 66 contre, 52 abstentions) par des députés de tous les groupes (Verts, Renew, PPE et S&D).

Elle a été rédigée à l’occasion du 80ème anniversaire du début de la Seconde Guerre mondiale pour commémorer les victimes des régimes totalitaires, celles  du régime nazi, mais également celles du totalitarisme soviétique et de mettre en lumière les séquelles qu’ont laissées ces régimes sur l’ensemble du territoire européen.  Le Parlement a réitéré sa position unie contre tout régime totalitaire, quelle que soit l’idéologie sur laquelle il se fonde.

Mais ce vote a suscité de vives contestations de la part des citoyens européens.

En effet, la résolution est largement critiquée pour avoir mis, sans grande nuance, sur un même pied d’égalité le nazisme et le communisme (Paragraphe 3). Les deux régimes peuvent être comparés scientifiquement en regardant les points qu’ils ont en commun (parti unique, culte de la personnalité, pouvoir centralisé, diabolisation de l’ennemi, police politique, propagande …) mais ils ne sont pas comparables ni dans leurs idéologies respectives, ni dans les faits historiques; cela reviendrait à nier le génocide du régime nazi dont les 6.000.000 Juifs ont été les victimes lors de la Seconde Guerre mondiale et contribuerait à oublier l’engagement des communistes aux côtés des résistants qui furent les premières victimes du fascisme hitlérien. Par ailleurs, le paragraphe 3 de la résolution rétablit les spécificités génocidaires du régime nazi.

Réduire le communisme au stalinisme manque clairement de nuance tout comme décrire le communisme comme une belle idéologie égalitaire serait une erreur historique à la lecture des cicatrices laissées dans les populations sous l’emprise du régime soviétique après la Seconde Guerre mondiale

La résolution se trompe en cherchant à manipuler l’histoire en omettant des faits importants et en privilégiant d’autres, ainsi le pacte germano-soviétique (Paragraphe 2) serait l’élément déclencheur de la Seconde Guerre mondiale, c’est oublier les multiples autres causes de la guerre comme les accords de Munich entre l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et la France ou la non-intervention dans la guerre civile espagnole. Simplement dire que le pacte germano-soviétique a pavé le chemin vers la Seconde Guerre mondiale pourrait laisser sous-entendre que les actions d’Hitler avant cette date n’avaient rien de condamnable.

La résolution ne mentionne pas non plus le rôle qu’ont joué le communisme et l’armée rouge dans la libération des camps d’Auschwitz et la conquête de Berlin.

Alors, cette résolution était-elle vraiment nécéssaire ? Je pense qu’elle l’était dans son but premier, de commémorer les victimes et de solder le passé dans tous les pays européens, comme le rappelle le paragraphe 5, par exemple; qui demande à tous les États membres de l’Union de procéder à une évaluation claire et fondée sur les principes en ce qui concerne les crimes et actes d’agression commis par les régimes communistes totalitaires et le régime nazi ou le paragraphe 10 qui réclame une culture mémorielle partagée, qui dénonce les crimes commis par le passé par les régimes fasciste, stalinien et autres régimes autoritaires, de manière à permettre notamment à la jeune génération d’acquérir la résilience nécessaire pour faire face aux menaces auxquelles la démocratie est confrontée à l’heure actuelle.

En Europe de l’Ouest nous sommes marqués par les horreurs du régime nazi mais la nouvelle Europe inclut également l’Europe de l’Est, où le stalinisme est encore bien vivant dans les mémoires.

Pour nous, les membres fondateurs du projet européen d’après la Seconde Guerre Mondiale, la croix gammée évoque l’horreur des camps et la folie d’un projet qui a conduit à l’extermination de plus de 6.ooo.ooo de Juifs. Pour les Européens d’Europe centrale l’emblème communiste rappellera l’autoritarisme stalinien qui aura déporté, assassiné, contraint aux travaux forcés, privé de liberté et de droits des millions de familles. C’est pourquoi le paragraphe 17 se dit préoccupé par le fait que des symboles de régimes totalitaires continuent à être utilisés dans les espaces publics et à des fins commerciales, tout en rappelant qu’un certain nombre de pays européens ont interdit l’utilisation de symboles nazis et communistes.

Sans doute que l’erreur du Parlement européen, a été de croire qu’il lui appartenait de revenir sur l’histoire et de l’interpréter à la lumière du présent. Alors qu’il eut été préférable de considérer l’histoire pour construire l’avenir dans un climat de tolérance et d’ouverture à l’autre.

C’est dans cette optique que j’ai soutenu cette résolution qui, malgré tout, réaffirme la volonté d’une grande majorité des élus de s’opposer à toute forme de totalitarisme (Paragraphes 6 et 7) avec l’envie de faire un devoir de mémoire (Paragraphe 4) qui servira aux générations à venir permettant d’être vigilants quant aux régimes totalitaires et aux risques que peuvent subir nos démocraties.