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Les dix raisons pour lesquelles je voterai contre l’accord APE de la Communauté de développement de l’Afrique australe

Ce jeudi 14 juillet, la Commission du Commerce international (INTA) votera l’accord de partenariat économique entre l’Union européenne et ses Etats membres d’un part, et les États membres de l’APE de la Communauté de développement de l’Afrique australe (le CDAA ou SADC, qui comprend le Botswana, le Lesotho, le Mozambique, la Namibie, l’Afrique du Sud et le Swaziland). Sans présumer du résultat du vote, l’on peut s’attendre à un soutien large des députés à l’APE.

En tant que membre d’INTA, je voterai pour ma part un grand « NON », et ce pour plusieurs raisons essentielles à mes yeux :

1. Le principe de réciprocité introduit dans les APE impose une exigence de libéralisation équivalente pour toutes les parties signataires, en ne tenant donc pas compte du niveau de développement des pays africains. Les pays les moins avancés – le Lesotho et le Mozambique dans le cas de l’APE CDAA – se verront donc obligés d’ouvrir une large partie de leur marché, sans la moindre préparation aux conséquences qu’une telle libéralisation aura indéniablement sur leur marge de développement. Grâce aux APE négociés avec plusieurs groupements d’Etats africains, l’UE, première puissance économique mondiale représentant près d’un tiers du commerce mondial des biens et services, réussit ainsi à obtenir l’ouverture du marché d’un bloc de pays non-industrialisés, parmi les plus pauvres au monde, et ne couvrant ensemble qu’à peine 1% du commerce mondial…

2. L’APE CDAA donnerait aux partenaires de l’accord la possibilité de protéger les secteurs sensibles de la concurrence européenne. Mais les listes de produits sensibles sont différentes pour chaque pays ! Les produits déclarés sensibles par l’Afrique du Sud, ne sont ainsi pas les mêmes que ceux déclarés par la Namibie, le Lesotho, le Swaziland ou le Botswana. Or, ces 5 Etats partage une Union douanière et un marché commun qui permet aux produits de circuler librement, anéantissant de facto la protection prévue dans l’APE…

3. Contrairement à certaines idées reçues, l’APE n’encouragera pas les exportations africaines car les règles d’origine applicables resteront très strictes. Malgré quelques modifications apportées aux règles d’origine dans les secteurs de la pêche et du textile, les obstacles au commerce des pays africains demeureront bien présents.

4. S’il est vrai que l’APE CDAA présente des clauses de sauvegarde, celles-ci seront difficiles à activer et ne pourront l’être que pour une période de temps limitée, à savoir durant les 12 premières années de la mise en oeuvre de l’accord. Après cette période, les Etats africains ne pourront plus avoir recours à ces clauses de sauvegarde, qui leur permettent d’augmenter les droits de douane lorsque les importations en provenance de l’UE augmentent dans de telles proportions ou à une vitesse telle qu’elles menacent de perturber la production locale.

5. Le chapitre développement durable de l’APE ne prévoit pas d’implication de la société civile. Il ne fait que reprendre les grands principes de respect des droits de l’homme, d’état de droit et de démocratie, mais ne prévoit ni suivi dans la mise en oeuvre ni implication de la société civile pour dialoguer sur ces principes.

6. L’APE comprend une clause de rendez-vous, qui prévoit l’ouverture de négociations dans cinq ans sur la libéralisation des secteurs des services et des investissements. Cette mesure encouragera les investissements européens en Afrique, et sera dès lors à l’avantage quasiment exclusif de l’UE.

7. Rien dans l’APE ne soutient la diversification des économies africaines. En libéralisant les marchés sans aucune mesure de soutien à la libéralisation en matière d’aide au développement, l’APE maintiendra les pays africains dans leur rôle d’exportateurs de matières premières.

8. Les syndicats et la société civile se sont opposés aux accords de partenariat économique. Voir notamment la déclaration de l’Organisation régionale africaine de la Confédération syndicale internationale « CSI-Afrique » du 8 juin dernier : http://www.ituc-africa.org/IMG/pdf/declaration_ape.pdf

9. La clause des droits humains se réfère uniquement à l’accord de Cotonou qui expire en 2020. Après 2020, cette clause ne sera plus valable. Que fera-t-on après cette date ? La Commission européenne ne nous a jamais apporté la moindre réponse…

10. L’APE ne prévoit aucun processus de monitoring. Depuis des mois, le groupe socialiste S&D au Parlement européen a réclamé un processus de suivi sur la mise en œuvre de l’APE ainsi que la possibilité de pouvoir suspendre l’APE en cas de grave problème constaté par rapport au développement des pays africains. La Commission européenne a rejeté notre demande. Il me semble dès lors peu opportun de donner aujourd’hui notre aval à une Commission qui prend si peu en compte la voix des députés.

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